Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est dur, d’arriver ; il en faut, du souffle, pour atteindre ce qu’on vise, ce but que l’on croit toucher, toujours reculé, toujours plus haut… Cette Colette ! à chaque instant, il semble qu’elle va lui tomber dans les bras ; puis quand il revient, c’est à recommencer, une conquête à refaire. On dirait qu’en, son absence quelqu’un s’amuse à détruire son ouvrage. Qui ?… Le mort, pardi ! ce sale mort… Il faudrait être là du matin au soir, près d’elle ; mais comment faire, avec la vie, les corvées, tant de courses pour l’argent ?

Un pas léger, un frôlement épais de velours, c’est sa mère qui le cherche et s’inquiète : Pourquoi ne vient-il pas au salon avec tout le monde ? Elle s’accoude au balustre près de lui, veut savoir ce qui le préoccupe.

« Rien, rien… » Puis pressé, questionné : Eh bien ! il a… il a… qu’il en a assez de cette vie de crevage de faim. Toujours des billets, des protêts… Boucher un trou pour en rouvrir un autre… Il est à bout, il n’en peut plus, là !…