Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/16

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démagogique », son flot ! Le pauvre homme ne s’en consolait pas. Même après deux ans écoulés, le regret du bien-être et des honneurs de son emploi lui mordait le cœur, plus vif à certains jours, à certaines dates du mois ou de la semaine, et principalement le jour de Teyssèdre.

C’était le frotteur, ce Teyssèdre. Il venait de fondation chez les Astier le mercredi ; et l’après-midi du même jour, Mme Astier recevait dans le cabinet de travail de son mari, seule pièce présentable de ce troisième étage de la rue de Beaune, débris d’un beau logis, majestueux de plafond, mais terriblement incommode. On se figure le désarroi où ce mercredi, revenant chaque semaine, jetait l’illustre historien interrompu dans sa production laborieuse et méthodique ; il en avait pris en haine le frotteur, son « pays », à la face jaune, fermée et dure comme son pain de cire, ce Teyssèdre qui, sous prétexte qu’il était de Riom, « tandis que meuchieu Achtier n’était que de Chauvagnat », bousculait sans respect la lourde table encombrée de cahiers, de notes, de rapports, chassait de pièce en pièce le pauvre grand homme, réduit à se réfu-