Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/167

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d’un bon repos après tant de corvées, la fit songer subitement que la plus fatigante de toutes l’attendait. La rentrée, la scène. Elle n’avait pas encore eu le temps d’y arrêter son esprit ; à présent, elle y courait, chaque tour de roue de la lourde voiture l’en rapprochait. D’avance, elle en frissonnait toute, non de peur ; mais les cris, la démence, la grosse voix brutale d’Astier-Réhu, ce qu’il faudrait répondre, et la malle ! la malle qu’on allait revoir… Mon Dieu, quel ennui !… Si lasse de sa nuit, de sa journée… Oh ! pourquoi cela ne pouvait-il être pour demain ?… Et la tentation lui venait, au lieu d’avouer tout de suite : « C’est moi… » de détourner les soupçons sur quelqu’un, Teyssèdre par exemple, jusqu’au lendemain matin ; au moins, elle aurait sa nuit tranquille.

« Ah ! voilà madame… Il y en a, du nouveau ! » dit Corentine accourant ouvrir, bouleversée, sa petite vérole plus ressortie que d’habitude, comme dans les grandes émotions. Mme Astier voulut gagner sa chambre, mais la porte du cabinet s’était ouverte, un impérieux : « Adélaïde ! » la força d’entrer. Léonard l’accueillit avec une figure extraordinaire qu’éclairait la lampe sous son globe. Il lui prit les deux mains, l’attira bien dans la lumière, puis d’une voix tremblante : « Loisillon est mort… » et il l’embrassa sur les deux joues.

Rien ! Il ne savait rien encore, n’était pas monté