Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/18

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comme le cardinal La Balue dans sa cage. C’est là qu’il se trouvait un matin, les yeux sur un vieux grimoire, quand le timbre de l’entrée retentit dans l’appartement envahi par le tonnerre de Teyssèdre.

« Est-ce vous, Fage ? demanda l’académicien de sa voix de basse, cuivrée et profonde.

— Non, meuchieu Achtier… ch’est votre garchon. »

Le frotteur ouvrait, le mercredi matin, parce que Corentine habillait madame.

« Comment va le maître ? » cria Paul Astier tout en filant vers la chambre de sa mère. L’académicien ne répondit pas. Cette ironie de son fils l’appelant : Maître, cher maître,… pour moquer ce titre dont on le flattait généralement, le choquait toujours.

« Qu’on fasse monter M. Fage dès qu’il viendra, dit-il sans s’adresser directement au frotteur.

— Oui, meuchieu Achtier… » Et le tonnerre recommença à ébranler la maison.

« Bonjour, m’man…

— Tiens ! c’est Paul. Entre donc… Prenez garde aux plissés, Corentine. »

Madame Astier passait une jupe devant la glace ; longue, mince, encore bien, malgré la fatigue des traits et d’une peau trop fine. Sans bouger, elle lui tendit sa joue veloutée de poudre qu’il frôla de