Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/189

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dessus, sans doute pour s’assurer que son postiche est toujours en place.

« Il ne m’a pas reconnu… » pensa Freydet, vexé de l’écrasant regard dont l’académicien repoussa dans le rang ce ciron qui se permettait de lui faire signe, « mes favoris, probablement… » et distrait de ses vers, le candidat se mit à ruminer son plan d’attaque, ses visites, la lettre officielle pour le secrétaire perpétuel. Mais, au fait, il était mort, le perpétuel… Allait-on nommer Astier-Réhu avant les vacances ? Et l’élection, pour quand ? Sa préoccupation descendit jusqu’aux détails, à l’habit ; prendrait-il le tailleur d’Astier décidément ? Et ce tailleur fournissait-il aussi le chapeau et l’épée ?

« Pie Jesu, Domine » une voix de théâtre, admirable, montait derrière l’autel, demandait le repos pour Loisillon que le Dieu de miséricorde semblait vouloir torturer cruellement ; car l’église suppliait dans tous les tons, tous les registres, en soli et en chœur : « le repos, le repos, mon Dieu !… Qu’il dorme tranquille après tant d’agitation et d’intrigues !… » À ce chant triste, irrésistible, répondaient dans la nef les sanglots des femmes dominés par le hoquet tragique de Marguerite Oger, son terrible hoquet du « Quatre » dans Musidora. Tout ce deuil pénétrait le bon candidat, allait rejoindre dans son cœur d’autres