Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/192

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Freydet à deux ou trois « futurs collègues » fut repoussé de froids et méprisants sourires comme on évoquent ces rêves où vos meilleurs amis ne vous reconnaissent plus. Mais il n’eut pas le temps de s’en attrister, pris par la bousculade à deux mouvements qui agitait l’église vers le haut et vers la sortie.

« Eh bien ! monsieur le vicomte, il va falloir nous remuer, maintenant… » Cet avis chuchoté de l’aimable Picheral au milieu de la rumeur, de l’enchevêtrement des chaises, remit le sang en route dans les veines du candidat ; mais comme il passait devant le catafalque, Danjou lui tendant le goupillon murmura sans le regarder : « Surtout, ne bougez plus… laissez faire… » Il en eut les jambes fracassées. Remuez-vous !… Ne bougez plus !… Quel avis suivre et croire le meilleur ? Son maître Astier le lui dirait sans doute, et il essaya de le rejoindre dehors. Ce n’était pas chose commode avec l’encombrement du parvis pendant que se classait le cortége et qu’on hissait le cercueil, écrasé d’innombrables couronnes, rien d’animé comme cette sortie d’enterrement dans la lumière d’un beau jour ; des saluts, des propos mondains tout à fait étrangers à la cérémonie funèbre, et sur les visages l’allègement, la revanche à prendre de cette grande heure d’immobilité traversée de chants lugubres.