Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/225

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service de Bouchereau… Un cabanon crépi tout blanc, un lit de fer défait, les couvertures à bas, et, là-dessus, nu, luisant de sueur et d’écume, contracturé, tordu comme un clown, avec des bonds, des hurlements qui remplissaient tout le Parvis, un enragé au dernier paroxisme… Au chevet du lit, deux jeunes femmes… chacune d’un côté… la religieuse et une petite étudiante du cours de Bouchereau… penchées sans dégoût et sans peur, sur ce misérable que personne n’osait approcher, lui essuyant le front, la bouche, sa sueur de torture, l’écume qui l’étranglait… La sœur priait tout le temps, l’autre non ; mais dans le même élan de leurs yeux, la tendresse pareille de ces petites mains courageuses, allant chercher la bave du martyr jusque sous ses dents, dans la grâce héroïque et maternelle d’un geste qui ne se lassait pas, on les sentait bien femmes toutes deux… la femme !… Et c’était à s’agenouiller en sanglotant.

— Merci, Védrine… » murmura Freydet qui suffoquait, pensant à son amie de Clos-Jallanges. Le docteur ébauchait un mouvement de tête : « Oh ! absolument… » Mais la parole nerveuse et sèche de Paul Astier l’arrêta net :

« Ben oui, des infirmières, je veux bien… Infirmes elles-mêmes, elles adorent ça, soigner, panser, torcher, les draps chauds, les bassins…