Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/246

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salon du grand Villemain… Je vous le recommande… » et en même temps, pour apaiser le fier Arverne, il signifiait lâchement à Corentine : « Donnez un verre de vin à ce brave homme… » Corentine stupéfaite apportait le verre que le frotteur but d’une goulée, appuyé sur son bâton, les yeux dilatés de joie ; puis il s’essuya la bouche d’un revers de manche, et posant le verre vide où sa lèvre gourmande était marquée : « Voyez-vous, Meuchieu Achtier, un verre de vin frais, y a rien de bon que cha dans la vie… » Sa voix vibrait d’un tel accent de vérité, ses papilles d’un tel épanouissement de bien-être que le secrétaire perpétuel rentra dans ses « archives » en claquant la porte d’un mouvement d’humeur. Car, enfin, ce n’était pas la peine d’avoir tant trimé, parti de si bas pour arriver si haut, au summum de la gloire littéraire, historien de la maison d’Orléans, clef de voûte de l’Académie française, puisque rien qu’un verre de vin frais