Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/251

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sec à ses repas toujours suivis d’une sieste et, dans la soirée, d’une robuste marche de banc de quart que Léonard Astier entendait au-dessus de sa tête.

Deux mois s’étaient passés, août et septembre, depuis l’installation du secrétaire perpétuel, deux mois pleins, d’une paix heureuse et féconde, d’une halte d’ambition telle qu’il n’en avait peut-être jamais savouré de pareille dans sa longue existence. Mme Astier, encore à Clos-Jallanges, parlait d’un prochain retour, déjà le ciel de Paris s’ardoisait des premiers brouillards, quelques académiciens rentraient, les séances devenaient moins intimes, et aux heures de travail dans l’ancien salon Villemain, Léonard Astier n’avait plus besoin de fermer ses persiennes devant la soleillade ardente de la cour. Il était à sa table, une après-midi, en train d’écrire à ce bon de Freydet d’heureuses nouvelles pour sa candidature, quand l’antique sonnette fêlée de la porte retentit violemment. Corentine venait de descendre, il alla ouvrir lui-même, saisi de se trouver en face du baron Huchenard, et de Bos, l’archiviste-paléographe, qui fit irruption dans le cabinet du maître, hagard, levant les bras, râlant sous sa barbe rouge et sa chevelure en broussaille : « Les pièces sont fausses… J’ai la preuve … la preuve ! »

Astier-Réhu, un instant sans comprendre, regardait