Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/296

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encombrent ! Rien de commun entre leur barque et la nôtre. On est trop loin, on ne se comprend plus. Nous ne nous occupons d’eux que pour leur crier : « Allez donc, avancez, donc ! » tandis qu’au bateau qui nous suit, dont l’élan de jeunesse nous pousse, nous talonne, voudrait nous passer sur le ventre, on jette avec colère : « Doucement donc !… Qu’est-ce qui vous presse ?… » Eh bien ! moi… — il dressait sa grande taille, dominait la rive et le fleuve… — je suis de mon bateau, certes, et je l’aime ; mais ceux qui s’en vont et ceux qui viennent m’intéressent autant que le mien… Je les hèle, je leur fais signe, j’essaye de me tenir en communication avec tous… Car tous, suivants et devanciers, les mêmes dangers nous menacent, et pour chacune de nos barques les courants sont durs, le ciel traître, et le soir si vite venu !… Maintenant, démarrons, mes chéris, voilà l’ondée… »