Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/303

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qui l’art multiple de Védrine avait su rendre ses admirables verrières et son retable d’autel miraculeusement sculpté. Une foule énorme des villages d’alentour, engoncée de hideuses redingotes, de longues blouses bleues vernissées, de coiffes blanches, de fichus raides d’empois sur des teints de hâle, emplissait la chapelle, débordait dans la cour d’honneur, — venue là non pour la cérémonie religieuse ni pour l’hommage rendu à ce vieux duc, un inconnu dans le pays, mais pour le banquet en plein air, qui devait suivre la messe, sur ces bancs et ces longues tables dressés des deux côtés de l’interminable avenue seigneuriale, où, l’office fini, deux à trois mille paysans purent facilement prendre place. Un peu gênés d’abord, impressionnés par tout ce service en deuil qui s’agitait, ces forestiers le crêpe à la casquette, ils parlaient à voix basse, dans l’ombre majestueuse des ormes ; puis chauffés de vins, de victuailles, le repas funèbre s’anima, devint une immense frairie.

Pour échapper à l’horreur de ces ripailles, la duchesse et Paul Astier filaient grand trot par les routes et les champs déserts du dimanche, dans un landau découvert, drapé de noir. Ces hauts laquais à cocardes, ces longs voiles de veuve en face de lui, rappelaient au jeune homme d’autres courses de ce genre. Il pensait : « Décidément, il