Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/359

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serrées, la mâchoire avançante et violente disaient sa ferme résolution de mourir, quand, après une matinée de recherches, les mariniers le retirèrent des larges maillons d’un filet de fer entourant des bains de femmes, tout près du pont. Il fut porté d’abord au poste de secours où le secrétariat de l’Institut vint le reconnaître. Ce n’était pas le premier Perpétuel qu’on tirait de la Seine ; même chose s’était déjà produite du temps de Picheral le père, presque dans les mêmes circonstances. Aussi Picheral le fils n’en semblait pas très ému, curieux seulement à voir frétiller sur la large berge, en habit, le crâne nu et luisant comme un jeton.

L’horloge du palais Mazarin sonnait une heure quand le brancard du poste, au pas lourd des porteurs, entra sous la voûte, marquant son chemin de sinistres mouillures. Au bas de l’escalier B, on reprit haleine. Un grand carré de ciel bleu se découpait au-dessus de la cour aveuglante de soleil. La toile du brancard un instant soulevée, les traits de Léonard Astier-Réhu se montrèrent une dernière fois à ses collègues de la commission du dictionnaire qui venaient de lever la séance en signe de deuil. Ils se tenaient autour, la tête découverte, moins tristes encore que saisis et scandalisés. Des curieux s’arrêtaient aussi, des ouvriers, petits employés, apprentis, car l’Institut