Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/60

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Servandoni, où je n’entends du grand Paris que les cloches de Saint-Sulpice et le bruit continuel d’une forge voisine, ce fer frappé en mesure que j’aime comme un rappel du village. Tout de suite couru chez l’éditeur : « Quand paraissons-nous ?

— Votre livre ? mais il a paru il y a huit jours. »

Paru et même disparu dans les profondeurs de cette terrible usine Manivet, toujours fumante, haletante, en mal d’un bouquin nouveau. Lundi, justement, c’était le lançage d’un grand roman de Horscher : La Faunesse, tiré à je ne sais combien de cinquante mille exemplaires, en piles, en ballots, dans toute la hauteur de la librairie ; et tu te figures la tête distraite des commis, l’air égaré, tombé de la lune, de l’excellent Manivet quand j’ai parlé de mon pauvre volume de vers et de mes chances au prix Boisseau. J’ai demandé quelques exemplaires destinés aux membres de la commission, et me suis sauvé à travers des rues, de vraies rues de Faunesse montant jusqu’au plafond. En voiture, regardé, feuilleté le volume, qui m’a plu avec la gravité de son titre : Dieu dans la Nature ; un peu minces, peut-être, à la réflexion, les lettres du titre, pas assez noires, ne tirant pas l’œil, mais, bah ! ton joli nom de Germaine, en dédicace, nous portera bonheur. Laissé deux