Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/151

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– Va faire sa fosse, dit un des brigands à un autre. Son enterrement ne coûtera pas beaucoup.

Épouvanté, Robin, qui n’a pas d’argent dans sa maison ou qui ne veut pas le livrer, rachète sa vie en souscrivant une obligation de trois mille francs. Le Cat s’en empare. Il la portait sur lui quand on l’arrêta.

Quelques jours plus tard, tandis que la police cherchait les meurtriers d’Audrein, l’un d’eux, Lignarou, le second de Le Cat, fut averti qu’une paysanne de Coatguen, nommée Marie Littré, les avait dénoncés comme les auteurs probables du crime. Par ordre de Le Cat, il se rendit dans la commune un matin du mois de mars vers six heures. Il s’était fait accompagner de six de ses camarades, « tous armés, dit l’acte d’accusation, et vêtus de carmagnoles ». D’un ton amical et sous un prétexte, ils invitèrent Marie Littré à sortir de sa maison. Elle les suivit sans défiance jusque dans un champ voisin. Là, ils l’étranglèrent. « Deux tirèrent pendant dix minutes au moins, en sens contraire, sur la corde qu’on lui avait mise au cou ; un troisième l’assommait à coups de crosse de fusil. » Après l’avoir tuée, ils lui attachèrent au dos un écriteau portant ces mots en gros caractères : « Avis aux dénonciateurs. » Ils disparurent ensuite, non sans que l’un d’eux eût dit à un témoin de cette scène atroce :

– Vois-tu cette malheureuse ? Nous venons de la punir pour nous avoir dénoncés. Le même sort attend ceux qui l’imiteront.

De tels faits étaient devenus fréquents en Bretagne depuis que la sinistre bande fonctionnait. Elle terrorisait la contrée. Les expéditions dirigées contre les scélérats qui la composaient avortaient toutes. En assassinant Marie Littré, elle mit le comble à ses forfaits. Du même coup, elle attira sur elle les fureurs exaspérées de la