Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/226

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peu de jours de là, douze mille francs. Elle en promit autant pour Bureau de Placène. Il ne put être établi plus tard, quand celui-ci fut, ainsi que sa femme, impliqué dans les poursuites, que cette somme lui eût été comptée. Tout porte à croire, cependant, qu’il reçut des acomptes et se les appropria.

En se répandant, la nouvelle de cet audacieux attentat semait l’effroi par toute la Normandie. Elle frappait de stupeur le préfet Caffarelli, le surprenait en pleine période de calme et de confiance, alors qu’il croyait le département du Calvados à jamais délivré des chouans. Il dut transmettre à Paris la relation de l’événement avant d’avoir recueilli des détails, si ce n’est ceux qu’avaient fournis le conducteur de la voiture et les gendarmes. Mais ils étaient trop incomplets et trop vagues pour mettre la police sur la trace des coupables.

À Paris, la surprise et l’émotion furent égales à celles du préfet. Depuis l’arrestation de la diligence de Saint-Lô à Coutances, aucun crime de ce genre n’avait été signalé. On espérait en avoir fini avec ces attaques sur les routes, si fréquentes au temps de la réaction thermidorienne et de la chouannerie et dont on n’avait eu raison qu’à l’aide de répressions inexorables. Si maintenant elles recommençaient, c’est que les brigands ne désarmaient pas et engageaient de nouveau la lutte contre le régime impérial.

L’Empereur, revenu à Paris après la guerre de Prusse, en était reparti bientôt. Il poursuivait en Pologne la dramatique campagne dont la bataille d’Eylau forme le principal épisode et qui devait aboutir, à quelques jours de là, à la paix de Tilsitt. Depuis son départ, le ministre de la Police s’attachait, dans ses lettres, à lui présenter l’état de l’esprit public en France comme satisfaisant et le pays comme pacifié.