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Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/247

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vagabonde. Après l’arrestation de Lefebvre, elle a cessé de se croire en sûreté à Falaise. Elle a quitté l’asile qu’elle devait à Chauvel, où lui-même n’ose plus la retenir. Le jour, elle vit dans les bois, sur les routes, dans les cabarets ; la nuit, elle se réfugie chez des paysans. Pour les uns, elle est une inconnue, celle qui passe ; pour d’autres, elle reste toujours la dame de la Bijude, Mme la baronne, encore que de ses élégances d’autrefois elle ait dépouillé tout ce qui pouvait la trahir. Elle s’est vêtue en femme du peuple, affublée d’un nom d’emprunt. Elle se dérobe ainsi aux recherches, aux poursuites dont elle est l’objet. Elle est vue aux environs de Falaise, un autre jour dans un faubourg de Caen. Partout, le dévouement de Chauvel la protège. De près comme de loin, il veille sur elle. Il s’est improvisé son garde du corps. Chargé de l’arrêter, il lance ses hommes sur de fausses pistes, les trompe à l’aide de faux signalements. Toutes les heures de liberté que lui laisse son service, il les lui consacre. Elle l’a véritablement affolé, en lui versant le poison de sa grâce enveloppante. À cheval ou à pied, tantôt en uniforme, tantôt sous un déguisement, il fait des lieues et des lieues pour venir la rejoindre aux rendez-vous qu’elle lui a donnés. S’il ne peut aller vers elle, il lui envoie son camarade, le gendarme Mallet, qu’il a intéressé à ses amours et qui, tout en lui recommandant incessamment la prudence, se compromet au même degré que lui par la complaisance avec laquelle il le sert.

Parfois, cédant aux instances de Chauvel, elle se hasarde à aller passer une nuit dans la maison de Falaise, malgré les périls dont elle y est entourée. D’autres fois, c’est lui qui vient la retrouver à Caen. Autant qu’il le peut, à la faveur des plus ingénieux prétextes, il demeure avec elle. Et, non seulement elle