Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/286

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Réal eut grand’peine à l’apaiser et, tout en le rassurant par son langage, il défendit Pontécoulant contre des insinuations « imméritées ». « J’ai beaucoup consulté M. de Pontécoulant, que je connais, que j’aime depuis quinze ans, que j’ai suivi pendant toute la Révolution, qui a déployé contre toutes les ambitions, contre toutes les peurs, contre toutes les intrigues dans des temps horribles un grand caractère de franchise et de loyauté. Vous me blâmeriez de ne l’avoir pas fait… Ne perdons pas de temps, Monsieur, dans ces niaises disputes… Nous sommes liés l’un et l’autre par les mêmes intérêts, le même espoir. » Caffarelli se calma. Mais il garda sa conviction sur le caractère de ce crime mystérieux. Lorsqu’à quelques jours de là, après avoir soupçonné d’abord que l’homme assassiné pouvait bien être Alain, dit le général Antonio, il sut par Liquet, envoyé à la Délivrande sur l’ordre de Réal, que c’était le vicomte d’Aché, il n’hésita pas à accuser la marquise de Vaubadon d’avoir trempé la main « dans cette machination vraiment diabolique ». « Elle y joue un rôle digne d’elle. C’est tout dire. Je l’avais soupçonnée. Elle vit depuis assez longtemps avec M. d’Ollendon, qui remplace Bruslart et ses nombreux successeurs. Tout en se félicitant de voir l’État débarrassé de d’Aché, vrai scélérat, qui pourrait se défendre d’un sentiment d’horreur pour la femme qui l’a livré et pour ceux qui l’y ont déterminée ?… Je ne peux me défendre de l’idée qu’elle a dû être bien satisfaite d’apprendre qu’il avait été tué ; il est clair qu’elle y avait un grand intérêt, ainsi que celui qui l’a mise en œuvre. »

Ces généreux sentiments n’étaient pas pour émouvoir le sceptique Réal. Il répondait : « Puisque je suis en train de vous faire des aveux, je vous déclare que, dans cette hypothèse, l’idée qui m’occuperait principalement