Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/289

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pays livrés encore aux horreurs de la guerre. Leur tante, sœur de leur mère, et le médecin de celle-ci les accompagnaient. Le 20 juillet au matin, elles arrivaient au palais de Schœnbrünn, aux portes de Vienne. L’Empereur venait de partir pour aller assister à la levée des plans du champ de bataille de Wagram. On ne savait à quelle heure il reviendrait. Il fallait donc attendre, et la pauvre famille attendait, debout sur le perron du château, où les officiers commandant le poste de garde l’avaient engagée à se tenir.

Son attente se prolongea jusqu’au soir. L’Empereur ne rentra qu’au déclin du jour. En descendant de cheval, il vit ces femmes en grand deuil, émues et pâles. Il crut d’abord que c’étaient la veuve et les filles de quelque officier tué à Wagram. Il s’approcha d’elles. On avait fait la leçon aux petites. Elles tombèrent à genoux, en présentant leur supplique :

– Sire, rendez-nous notre mère !

Surpris, l’Empereur prit la pétition, y jeta les yeux, échangea quelques mots avec un des généraux qui l’entouraient et répondit :

– Je n’en ai pas la puissance.

Et comme les enfants éclataient en sanglots, il interrogea leur tante. Elle plaida la cause de sa sœur. Le médecin se joignit à elle. Les enfants, de nouveau supplièrent. Napoléon persista dans son refus. Les autres coupables avaient expié. Il n’eût pas été juste que Mme Aquet de Férolles, plus coupable qu’eux, n’expiât pas aussi.

– Je regrette, ajouta-t-il, de ne pouvoir vous dédommager d’un si pénible voyage. Mais je ne puis faire grâce.

Et il passa. Rentré dans ses appartements, il s’emporta contre Fouché qui l’avait exposé à cette scène cruelle.

– Si le cas est graciable, dit-il, pourquoi ne me l’avoir pas écrit ? S’il ne l’est pas, pourquoi avoir donné des