Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

IV}}


À Jersey, le recrutement d’agents pour la France, déjà si difficile, le devint plus encore après l’arrestation de Prijent et de ses compagnons. Les plus résolus se décourageaient. Ceux qui se présentaient au prince de Bouillon ne lui inspiraient guère confiance. Il n’était pas plus sûr de leur fidélité que de leur courage, ce qui ne laissait pas de le mettre en un cruel embarras. Justement le comte de Puisaye lui demandait un homme incorruptible et vaillant, capable de remplir en France une mission périlleuse. Pour cette mission, Bouillon avait déjà songé à Goyon ou à Chateaubriand. Il revint à cette idée. À défaut de Goyon, emprisonné à Rennes et prêt à passer en jugement, il s’en tint à Chateaubriand, qui se trouvait à sa portée. Il lui fit des ouvertures. Il s’agissait d’aller à Paris, observer l’état de l’esprit public, examiner les chances d’une restauration, se rendre compte de l’importance des forces de la garnison et porter de la part de l’ancien conventionnel Henri de Larivière, proscrit depuis le 18 fructidor, des lettres confidentielles et secrètes. Il fallait en faire tout autant à Brest, afin de se mettre à même de prévoir avec quelque certitude l’accueil que trouverait une armée anglaise à son débarquement ; enfin, embaucher sur la côte de Saint-Cast, près de Saint-Malo, des marins disposés à se charger du service de la correspondance avec Jersey.

Si redoutables que fussent les dangers à courir dans l’accomplissement de cette mission, Chateaubriand n’hésita