Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/38

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– Prenez garde, lui dit-il ; vous êtes mal noté par la police à cause de vos tentatives particulières contre le premier Consul.

Wodfort ne protesta pas et répliqua simplement :

– Écoutez, mon cher, si mon roi avait été immolé sur l’échafaud, je ne trouverais rien d’étonnant à ce qui se ferait pour le venger.

Ainsi averti de toutes parts, Bonaparte ne peut se faire illusion sur les intentions de tant d’ennemis acharnés à se débarrasser de lui par tous les moyens. Là est l’origine de ses rigueurs présentes et futures, que ne justifient que trop les faits qui se succèdent et par où se trahissent les fureurs homicides dont il est l’objet. La conspiration de Georges, éclatant à l’heure où, malgré sa défiance naturelle, les succès de ses armes le disposent à l’oubli du passé, l’entraîne aux excès d’un ressentiment inflexible et aux violences d’un tempérament qui ne se contient plus. Il veut faire des exemples ; il les fait effroyables. L’exécution du duc d’Enghien, couronnement inattendu du procès de Cadoudal, révèle le caractère impitoyable des résolutions du premier Consul. On a déchaîné le lion. Désormais, rien ne l’apaisera, et dans tout individu mêlé de près ou de loin aux intrigues anglaises, il ne verra qu’un ennemi qu’il faut supprimer ou tout au moins mettre dans l’impuissance de nuire.

Tel est, du reste, l’acharnement des factieux que, loin de les mater, ces rigueurs les excitent. On lira dans les pages qui suivent le récit des violences par lesquelles cet acharnement se manifeste.

Elles se déroulent en plein régime impérial, à l’heure où Napoléon tient dans ses mains les destinées du monde. Il a vaincu l’Europe coalisée contre lui et ne peut venir à bout d’une poignée d’insurgés que par ces rigueurs qui ensanglantent sa gloire. C’est là ce qui