Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/95

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part de leur découverte et de leurs espérances au marquis de Rivière, en l’engageant à écrire à Paris pour dégager la parole qu’il avait donnée de ne pas s’enfuir. Il leur promit d’écrire ; mais s’il en eut l’intention, il y renonça de peur sans doute de provoquer un redoublement de surveillance qui eût peut-être entravé la tentative de ses amis.

Ceux-ci consacrèrent onze nuits à percer le mur extérieur. Frotté, monté sur une chaise, devant la fenêtre de leur casemate, surveillait par-dessus le grillage un corps de garde placé en face à quinze pieds au-dessous. Il avait pour mission de donner l’alerte, à toute sortie des soldats. Moulin et Girod démolissaient le mur, enlevant les pierres l’une après l’autre. D’Hauteroche préparait le mortier, ainsi que du punch que les prisonniers buvaient avant de se coucher.

Le onzième jour, à travers une dernière rangée de moellons qu’ils laissèrent en place afin d’éviter que l’ouverture devînt visible du dehors, ils aperçurent le jour. Par le plan du fort, ils savaient que cette ouverture aboutissait à la partie la plus escarpée de la montagne. Des cordes leur étaient donc nécessaires pour effectuer la descente. Ne pouvant s’en procurer, ils durent en fabriquer à l’aide de leurs draps de lit. Après s’être assurés que le marquis de Rivière était résolu à ne pas s’enfuir, ils s’attelèrent à cette dernière partie de leurs préparatifs. Elle occupa trois journées durant lesquelles les draps furent découpés et tressés, ainsi que leurs chemises et leurs serviettes. Ils eurent ainsi une corde longue de deux cents pieds. Rien maintenant ne s’opposait plus à leur départ. Ils avaient tout prévu et même confectionné un sac de toile en forme de gibecière destiné à emporter avec eux une petite chienne qui appartenait à Girod et qu’ils ne voulaient pas laisser derrière eux.