Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/99

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escarpés, le plus inaccessibles à la montée comme à la descente. Mais, comme nous l’avons dit plus haut, tous ces anciens chouans étaient des hommes d’une trempe extraordinaire. Des évasions comme celles que nous venons de rappeler ne constituent pas les faits les plus surprenants de leur surprenante histoire.

Pour en finir avec les événements de ce genre, qui déconcertèrent si souvent la police impériale, il convient de rapporter encore l’évasion des frères de Polignac. Mais elle ne se présente pas avec le même caractère dramatique. Elle fut due à la ruse des fugitifs et non à leur audace, peut-être même à la complicité des agents préposés à leur garde. Les deux Polignac avaient été compromis dans la conspiration de Georges. Venus d’Angleterre en France à la suite du terrible chouan, ils avaient débarqué à sa suite à la falaise de Biville et furent recherchés à titre de complices aussitôt après son arrestation.

L’aîné, Armand, était marié à une Anglaise jeune et belle. À défaut de lui, c’est d’elle qu’on s’empara, dans l’espoir qu’il se ferait prendre en essayant de communiquer avec elle. Elle fut arrêtée chez la duchesse de Brancas, sa parente. Interrogée par Réal, elle commença par déclarer qu’elle ignorait si son mari était à Paris. Elle affirma ne l’avoir pas vu depuis longtemps. Puis, poussée à bout par des questions insidieuses, elle avoua qu’il était venu la trouver à plusieurs reprises, mais sans lui faire part de ses projets.

– Quand nous étions ensemble, dit-elle naïvement, nous ne causions que d’amour.

– Il est impossible que vous n’ayez pas poussé plus loin la curiosité, s’écria Réal.

– Mais non, Monsieur. L’amour nous suffisait, mon mari est jeune. Il n’a que trois ans de plus que moi.