Page:Daudet - La doulou (la douleur) 1887 - 1895 ; Le trésor d’Arlatan (1897), 1930.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

iodé, à goût de sel amer : c’était l’éponge trempée de vinaigre et de fiel.

Et j’imaginais une conversation de Jésus avec les deux Larrons sur la Douleur.

Plusieurs jours de calme. Sans doute les bromures et les belles chaleurs de cette fin de juin.

Cruelles heures au chevet de Julia… Rage de me sentir si cassé, si faible pour la soigner, mais toute ma pitié encore, toute ma tendresse toujours vivante, et mon aptitude à souffrir par le cœur, jusqu’au supplice… Et j’en suis bien content, malgré les terribles douleurs revenues aujourd’hui.

Analyse du sommeil par le chloral. — Fini, c’est une roche à pic, que je ne peux plus regrimper.

Par exemple, vingt minutes délicieuses, celles [43] qui coupent mes deux prises de chloral. Lecture que j’ai soin de choisir très élevée. — Lucidité singulière.

Deux jours de grandes souffrances.

Contraction du pied droit, avec fulgurations jusque dans les côtes. Tous les tiraillements de ficelles de l’homme-orchestre agitant ses instruments. Sur la route de Draveil, ficelles aux coudes, aux pieds… L’homme-orchestre de la douleur, c’est moi.

La vie du mal. Efforts ingénieux que fait la maladie pour vivre. On dit : « Laissez faire la nature. » Mais la mort est dans la nature