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Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/148

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leurs études, mais à Paris, le Nabab, tenant à leur donner le bénéfice d’une éducation parisienne, les avait mis dans le pensionnat le plus « chic », le plus cher, au collège Bourdaloue dirigé par de bons pères qui cherchaient moins à instruire leurs élèves qu’à en faire des hommes du monde bien tenus et bien-pensants, et arrivaient à former de petits monstres gourmés et ridicules, dédaigneux du jeu, absolument ignorants, sans rien de spontané ni d’enfantin, et d’une précocité désespérante. Les petits Jansoulet ne s’amusaient pas beaucoup dans cette serre à primeurs, malgré les immunités dont jouissait leur immense fortune ; ils étaient vraiment trop abandonnés. Encore les créoles confiés à l’institution avaient-ils des correspondants et des visites ; eux, n’étaient jamais appelés au parloir, on ne connaissait personne de leurs proches, seulement de temps à autre ils recevaient des pannerées de friandises, des écroulements de brioches. Le Nabab en course dans Paris dévalisait pour eux toute une devanture de confiseur qu’il faisait porter au collège avec cet élan de cœur mêlé d’une ostentation de nègre, qui caractérisait tous ses actes. De même pour les joujoux, toujours trop beaux, pomponnés, inutiles ; de ces joujoux qui font la montre et que le Parisien n’achète pas. Mais ce qui attirait surtout aux petits de Jansoulet le respect des élèves et des maîtres, c’était leurs porte-monnaie gonflé d’or, toujours prêt pour les quêtes, pour les fêtes de professeur, et les visites de charités, ces fameuses visites organisées par le collège Bourdaloue, une des tentations du programme, l’émerveillement des âmes sensibles.

Deux fois par mois, à tour de rôle, les élèves faisant partie de la petite Société de Saint-Vincent-de-Paul,