Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/249

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banque territoriale se résume en quelques écriteaux, deux antiques masures, le tout à peine bon pour figurer dans le chantier de démolition de la rue Saint-Ferdinand, dont j’entends tous les soirs en m’endormant les girouettes grincer, les vieilles portes battre sur le vide…

« Mais alors où sont allées, où s’en vont encore les sommes énormes que M. Jansoulet a versées depuis cinq mois, sans compter ce qui est venu du dehors attiré par ce nom magique Je pensais bien comme vous que tous ces sondages, forages, achats de terrain, que portent les livres en belle ronde, étaient démesurément grossis. Mais comment soupçonner une pareille impudence ? Voilà pourquoi M. le gouverneur répugnait tant à l’idée de m’emmener dans ce voyage électoral… Je n’ai pas voulu avoir d’explication immédiate. Mon pauvre Nabab a bien assez de son élection. Seulement, sitôt rentrés, je lui mettrai sous les yeux tous les détails de ma longue enquête, et, de gré ou de force, je le tirerai de ce repaire… Ils ont fini au-dessous. Le vieux Piedigriggio traverse la place en faisant glisser le coulant de sa longue bourse de paysan qui m’a l’air d’être bien remplie. Marché conclu, je suppose. Adieu vite, mon cher monsieur Joyeuse ; rappelez-moi à ces demoiselles, et qu’on me garde une toute petite place autour de la table à ouvrage.

« PAUL DE GÉRY »

Le tourbillon électoral dont ils avaient été enveloppés en Corse passa la mer derrière eux comme un coup de sirocco, les suivit à Paris, fit courir son vent de folie dans l’appartement de la place Vendôme envahi du matin au soir par l’élément habituel augmenté d’un arrivage constant de petits hommes bruns comme des