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Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/439

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miciles, brisent les scellés, déchirent les bulletins de vote sous le couvert de leur autorité municipales. Nul respect de la loi. Partout la fraude, l’intrigue, même la violence. À Calcatoggio, un homme armé s’est tenu tout le temps de l’élection à la fenêtre d’une auberge, l’escopette au poing, juste en face de la mairie ; et chaque fois qu’un partisan de Sébastiani, l’adversaire de Jansoulet, se montrait sur la place, l’homme le mettait en joue : « Si tu entres, je te brûle ! » D’ailleurs, quand on voit des commissaires de police, des juges de paix, des vérificateurs de poids et mesures ne pas craindre de s’improviser agents électoraux, d’effrayer, d’entraîner la population soumise à toutes ces petites influences locales si tyranniques, n’est-ce pas la preuve d’une licence effrénée ? Jusqu’à des prêtres, de saints pasteurs égarés par leur zèle pour le tronc des pauvres et l’entretien de leur église indigente, qui ont prêché une mission véritable en faveur de l’élection Jansoulet. Mais une influence encore plus puissante, quoique moins respectable, a été mise en jeu pour la bonne cause, l’influence des bandits. « Oui, des bandits, messieurs, je ne ris pas. » Et là-dessus une esquisse à grands traits du banditisme corse en général et de la famille Piedigriggio en particulier…

La Chambre, très attentive écoutait avec une certaine inquiétude. En somme, c’était un candidat officiel dont on signalait ainsi les agissements, et ces étranges mœurs électorales appartenaient à ce pays privilégié, berceau de la famille impériale, si étroitement lié aux destinées de la dynastie, qu’une attaque à la Corse semblait remonter jusqu’au souverain. Mais quand on vit, au banc du gouvernement, le nouveau ministre d’État, successeur et ennemi de Mora, tout joyeux de l’échec