Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/115

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suite que c’était M. de Boucoyran le père. Il tortillait sa longue moustache et bougonnait entre ses dents.

Je n’eus pas même le courage de descendre de ma chaire pour faire honneur à ces messieurs ; eux non plus, en entrant, ne me saluèrent pas. Ils prirent position tous les trois au milieu de l’étude et jusqu’à leur sortie, ne regardèrent pas une seule fois de mon côté.

Ce fut le principal qui ouvrit le feu.

— Messieurs, dit-il en s’adressant aux élèves, nous venons ici remplir une mission pénible, très pénible. Un de vos maîtres s’est rendu coupable d’une faute si grave, qu’il est de notre devoir de lui infliger un blâme public.

Là-dessus le voilà parti à m’infliger un blâme qui dura au moins un grand quart d’heure. Tous les faits dénaturés : le marquis était le meilleur élève du collège ; je l’avais brutalisé sans raison, sans excuse. Enfin j’avais manqué à tous mes devoirs.

Que répondre à ces accusations ?

De temps en temps, j’essayais de me défendre. « Pardons, monsieur le principal !… » Mais le principal ne m’écoutait pas, et il m’infligea son blâme jusqu’au bout.

Après lui, M. de Boucoyran, le père, prit la parole et de quelle façon !… Un véritable réquisitoire. Malheureux père ! On lui avait presque assassiné son enfant. Sur ce pauvre petit être sans défense, on s’était rué comme… comme… comment