Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/260

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fait vœu d’ensevelir les morts… Pieusement, elles s’attellent au Papillon défunt et le traînent vers le cimetière… Une foule curieuse se presse sur leur passage, et chacun fait des réflexions à haute voix… Les petits Grillons bruns, assis au soleil devant leurs portes, disent gravement : « Il aimait trop les fleurs ! » — « Il courait trop la nuit ! » ajoutent les Escargots, et les Scarabées à gros ventre se dandinent dans leurs habits d’or en grommelant : « Trop bohème ! Trop bohème ! » Parmi toute cette foule, pas un mot de regret pour le pauvre mort ; seulement, dans les plaines d’alentour, les grands lis ont fermé et les cigales ne chantent pas.

La dernière scène se passe dans le cimetière des Papillons. Après que les Nécrophores ont fait leur œuvre, un Hanneton solennel, qui a suivi le convoi, approche de la fosse, et, se mettant sur le dos, commence l’éloge du défunt. Malheureusement la mémoire lui manque ; il reste là les pattes en l’air, gesticulant pendant une heure et s’entortillant dans ses périodes… Quand l’orateur a fini, chacun se retire, et alors dans le cimetière désert, on voit la Bête à bon Dieu des premières scènes sortir de derrière une tombe. Tout en larmes, elle s’agenouille sur la terre fraîche de la fosse et dit une prière touchante pour son pauvre petit camarade qui est là !…