Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/32

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dans sa chambre sans feu, assis à sa table de travail, les jambes enveloppées d’une couverture. Au-dehors, le givre fouettait les vitres. Dans le magasin, on entendait M. Eyssette qui dictait :

« J’ai reçu votre honorée du 8 courant. »

Et la voix pleurarde de Jacques qui reprenait :

« J’ai reçu votre honorée du 8 courant. »

De temps en temps, la porte de la chambre s’ouvrait doucement : c’était madame Eyssette qui entrait. Elle s’approchait du petit Chose sur la pointe des pieds. Chut !…

— Tu travailles ? lui disait-elle tout bas.

— Oui, mère.

— Tu n’as pas froid ?

— Oh ! non !

Le petit Chose mentait, il avait bien froid, au contraire.

Alors, madame Eyssette s’asseyait auprès de lui, avec son tricot, et restait de longues heures, comptant ses mailles à voix basse, avec un gros soupir de temps en temps.

Pauvre madame Eyssette ! Elle y pensait toujours à ce cher pays qu’elle n’espérait plus revoir… Hélas ! pour notre malheur, pour notre malheur à tous, elle allait le revoir bientôt…