Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/69

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pour la dernière fois, conduire vos élèves à l’étude ; dès qu’ils seront entrés, M. le principal et moi nous viendrons installer le nouveau maître.

En effet, quelques minutes après, le principal M. Viot et le nouveau maître faisaient leur entrée solennelle à l’étude.

Tout le monde se leva.

Le principal me présenta aux élèves en un discours un peu long, mais plein de dignité ; puis il se retira suivi du gros Serrières que le punch d’adieu tourmentait de plus en plus. M. Viot resta le dernier. Il ne prononça pas de discours, mais ses clefs, frinc ! frinc ! frinc ! parlèrent pour lui d’une façon si terrible, frinc ! frinc ! frinc ! si menaçante, que toutes les têtes se cachèrent sous les couvercles des pupitres et que le nouveau maître lui-même n’était pas rassuré.

Aussitôt que les terribles clefs furent dehors, un tas de figures malicieuses sortirent de derrière les pupitres ; toutes les barbes de plumes se portèrent aux lèvres, tous ces petits yeux brillants, moqueurs, effarés se fixèrent sur moi tandis qu’un long chuchotement courait de table en table.

Un peu troublé, je gravis lentement les degrés de ma chaire ; j’essayai de promener un regard féroce autour de moi, puis, enflant ma voix, je criai entre deux grands coups secs frappés sur la table :

— Travaillons, messieurs, travaillons !

C’est ainsi que le petit Chose commença sa première étude.