Page:Daudet - Le Roman du chaperon rouge, Lévy, 1862.djvu/193

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le temps où nous sommes, on naît et l’on meurt avec une telle simplicité, que la mort perd de jour en jour cette beauté d’apparat, mystérieuse et froide, qui imposait aux hommes. On place les cimetières aux portes de la ville, comme des maisons de campagne, dont ils ont l’aspect bourgeois et ratissé ; l’homme s’enhardit de plus en plus vis-à-vis des choses saintes, qui lui deviennent familières, et la hideuse profanation promène ses pieds fangeux et ses doigts sales sur les tombes. Nous sommes ici pour mettre ordre à tout cela et chasser les importuns sacrilèges qui viennent troubler le sommeil de nos chers défunts. Nos chants sont lugubres, nos voix tristes ; par ainsi nous rendons le séjour des cimetières impossible à ceux qui viennent pour s’y promener et prendre l’air des champs.

le rossignol.

Rossignols, mes frères, vous êtes de divins oiseaux, et pour vous je me sens une vive vénération ; vous me donnez le dégoût de mon existence bohémienne et inutile à tous ; je serais bien heureux de verser dans l’escarcelle d’or de la charité ces perles de mon gosier que j’ai gaspillées jusqu’à ce jour et semées à tous les vents.

les rossignols.

Eh bien ! viens avec nous, Rossignol des bois, viens avec nous ; viens faire un noviciat d’une journée, tu ha-