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LES DOUANIERS.

secousse des vagues, aggravèrent son mal. Le délire le prit ; il fallut aborder.

Après beaucoup de temps et d’efforts, nous entrâmes vers le soir dans un petit port aride et silencieux, qu’animait seulement le vol circulaire de quelques gouailles. Tout autour de la plage montaient de hautes roches escarpées, des maquis inextricables d’arbustes verts, d’un vert sombre, sans saison. En bas, au bord de l’eau, une petite maison blanche à volets gris : c’était le poste de la douane. Au milieu de ce désert, cette bâtisse de l’État, numérotée comme une casquette d’uniforme, avait quelque chose de sinistre. C’est là qu’on descendit le malheureux Palombo. Triste asile pour un malade ! Nous trouvâmes le douanier en train de manger au coin du feu avec sa femme et ses enfants. Tout ce monde-là vous avait des mines hâves, jaunes, des yeux agrandis, cerclés de fièvre. La mère, jeune encore, un nourrisson sur les bras, grelottait en nous parlant.

— C’est un poste terrible, me dit tout bas l’inspecteur. Nous sommes obligés de renouveler