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LE CURÉ DE CUCUGNAN.

grand livre et la clef, pourriez-vous me dire, si je ne suis pas trop curieux, combien vous avez de Cucugnanais en paradis ?

« — Je n’ai rien à vous refuser, monsieur Martin ; asseyez-vous, nous allons voir la chose ensemble.

« Et saint Pierre prit son gros livre, l’ouvrit, mit ses besicles :

« — Voyons un peu : Cucugnan, disons-nous. Cu… Cu… Cucugnan. Nous y sommes. Cucugnan… Mon brave monsieur Martin, la page est toute blanche. Pas une âme… Pas plus de Cucugnanais que d’arêtes dans une dinde.

« — Comment ! Personne de Cucugnan ici ? Personne ? Ce n’est pas possible ! Regardez mieux…

« — Personne, saint homme. Regardez vous-même, si vous croyez que je plaisante.

« Moi, pécaïre ! je frappais des pieds, et, les mains jointes, je criais miséricorde. Alors, saint Pierre :

« — Croyez-moi, monsieur Martin, il ne faut pas ainsi vous mettre le cœur à l’envers,