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LETTRES DE MON MOULIN.

avaient l’air de se dire : « Oh ! ce monsieur qui mange toute la barquette ! »

Je la mangeai toute, en effet, et presque sans m’en apercevoir, occupé que j’étais à regarder autour de moi dans cette chambre claire et paisible où flottait comme une odeur de choses anciennes… Il y avait surtout deux petits lits dont je ne pouvais pas détacher mes yeux. Ces lits, presque deux berceaux, je me les figurais le matin, au petit jour, quand ils sont encore enfouis sous leurs grands rideaux à franges. Trois heures sonnent. C’est l’heure où tous les vieux se réveillent :

— Tu dors, Mamette ?

— Non, mon ami.

— N’est-ce pas que Maurice est un brave enfant ?

— Oh ! oui c’est un brave enfant.

Et j’imaginais comme cela toute une causerie, rien que pour avoir vu ces deux petits lits de vieux, dressés l’un à côté de l’autre…

Pendant ce temps, un drame terrible se passait à l’autre bout de la chambre, devant