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LETTRES DE MON MOULIN.

colonnettes élégantes et fleuries, — les chanoines habillés de frais qui défilaient deux par deux avec des mines reposées.

— C’est à moi qu’ils doivent tout cela ! se disait le révérend en lui-même ; et chaque fois cette pensée lui faisait monter des bouffées d’orgueil.

Le pauvre homme en fut bien puni. Vous allez voir…




Figurez-vous qu’un soir, pendant l’office, il arriva à l’église dans une agitation extraordinaire : rouge, essoufflé, le capuchon de travers, et si troublé qu’en prenant de l’eau bénite il y trempa ses manches jusqu’au coude. On crut d’abord que c’était l’émotion d’arriver en retard ; mais quand on le vit faire de grandes révérences à l’orgue et aux tribunes au lieu de saluer le maître-autel, traverser l’église en coup de vent, errer dans le chœur pendant cinq minutes pour chercher sa stalle, puis une fois assis, s’incliner de droite et de gauche en souriant d’un air béat, un