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Page:Daudet - Lettres de mon moulin.djvu/30

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LETTRES DE MON MOULIN.

sonner et sa main, — une longue main blafarde et bête, — trembler sur le dos de la banquette, comme une main de vieux. Il pleurait…

— Vous voilà chez vous, Parisien ! me cria tout à coup le conducteur ; et du bout de son fouet il me montrait ma colline verte avec le moulin piqué dessus comme un gros papillon.

Je m’empressai de descendre… En passant près du rémouleur, j’essayai de regarder sous sa casquette ; j’aurais voulu le voir avant de partir. Comme s’il avait compris ma pensée, le malheureux leva brusquement la tête, et, plantant son regard dans le mien :

Regardez-moi bien, l’ami, me dit-il d’une voix sourde, et si un de ces jours vous apprenez qu’il y a eu un malheur à Beaucaire, vous pourrez dire que vous connaissez celui qui a fait le coup.

C’était une figure éteinte et triste, avec de petits yeux fanés. Il y avait des larmes dans ces yeux, mais dans cette voix il y avait de la haine. La haine, c’est la colère des faibles !… Si j’étais la rémouleuse, je me méfierais.