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LETTRES DE MON MOULIN.

amoureux s’égarèrent parmi le bois une heure ou deux, et si tu veux savoir ce qu’ils se dirent, va le demander aux sources bavardes qui courent invisibles dans la mousse.




Tout à coup le vent fraîchit. La montagne devint violette ; c’était le soir…

— Déjà ! dit la petite chèvre ; et elle s’arrêta fort étonnée.

En bas, les champs étaient noyés de brume. Le clos de M. Seguin disparaissait dans le brouillard, et de la maisonnette on ne voyait plus que le toit avec un peu de fumée. Elle écouta les clochettes d’un troupeau qu’on ramenait, et se sentit l’âme toute triste… Un gerfaut, qui rentrait, la frôla de ses ailes en passant. Elle tressaillit… puis ce fut un hurlement dans la montagne :

— Hou ! hou !

Elle pensa au loup ; de tout le jour la folle n’y avait pas pensé… Au même moment une trompe sonna bien loin dans la vallée. C’était