Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/108

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Tout à coup Roumestan entra. Au milieu d’un brouhaha de bienvenue, il traversa le salon vivement, alla droit à sa femme, l’embrassa sur les deux joues avant que Rosalie eût pu se défendre de cette manifestation un peu gênante, mais qui était le meilleur démenti aux assertions du physiologiste. Toutes les dames crièrent « Bravo ! » Il y eut encore un échange de poignées de main, d’effusions, puis un silence attentif, lorsque le leader appuyé à la cheminée commença le bulletin rapide de la journée.

Le grand coup préparé depuis une semaine, les marches et contre-marches, la rage folle de la gauche au moment de la défaite, son triomphe à lui, son irruption foudroyante à la tribune, jusqu’aux intonations de sa jolie réponse au maréchal : » Ça dépend de vous, monsieur le Président », il notait tout, précisait tout avec une gaieté, une chaleur communicatives. Ensuite Roumestan devenait grave, énumérait les lourdes responsabilités de son poste : l’Université à réformer, toute une jeunesse à préparer pour la réalisation des grandes espérances, – le mot fut compris, salué d’un hurrah, – mais il s’entourerait d’hommes éclairés, ferait appel à toutes les bonnes volontés, tous les dévouements. Et, l’œil ému, il les cherchait dans le cercle serré autour de lui : « Appel à mon ami Béchut… à vous aussi, mon cher de Boë… »

L’heure était si solennelle que personne ne se demanda en quoi l’hébétement du jeune maître des requêtes pourrait servir les réformes de l’Université. Du reste, le nombre d’individus de cette force-