Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais cette idée qu’il était ministre, la conscience de son pouvoir le rassurèrent presque aussitôt. Est-ce qu’à des hauteurs pareilles ces niaiseries peuvent encore préoccuper ? Souverain maître aux Beaux-Arts, tous les théâtres sous la main, ce ne serait rien pour lui d’être utile à ce malheureux. Remonté dans sa propre estime, il changea de ton avec le campagnard, et pour l’empêcher d’être familier, lui apprit solennellement, de très haut, à quelles dignités importantes il avait été élevé depuis le matin. Le malheur, c’est qu’en ce moment il était à demi-vêtu, en chaussettes de soie sur le tapis, rapetissé, la bedaine proéminente dans la flanelle blanche d’un caleçon enrubanné de rose ; et Valmajour ne semblait pas autrement ému, le mot magique de « ministre » ne se liant pas dans son esprit avec ce gros homme en bras de chemise. Il continuait de l’appeler « moussu Numa », lui parlait de sa « musique », des airs nouveaux qu’il avait appris dessus. Ah ! il n’en craignait pas un des tambourinaires de Paris maintenant !

« Attendez… vous allez voir. »

Il s’élançait pour prendre son tambourin dans l’antichambre. Mais Roumestan le retint :

— Puisque je vous dis que je suis pressé, qué diable !

— Va bien… va bien… Ça sera pour un autre jour… fit le paysan de son air bonasse.

Et, voyant Méjean qui s’approchait, il crut devoir à son admiration l’histoire du flûtet à trois trous :

— Ce m’est vénu dé nuit, en écoutant çanter lé