Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/121

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maintenir, justifier sa chance par d’intelligentes réformes, des tentatives de progrès !… Plein de zèle, il s’informait, consultait, conférait, s’entourait littéralement de lumières. Avec Béchut, l’éminent professeur, il étudiait les vices de l’éducation universitaire, les moyens d’extirper l’esprit voltairien des lycées ; s’aidait de l’expérience de son chargé des Beaux-Arts, M. de la Calmette, vingt-neuf ans de bureau ; de Cadaillac, le directeur de l’Opéra, debout sur ses trois faillites, pour refondre le Conservatoire, le Salon, l’Académie de musique, d’après de nouveaux plans.

Le malheur, c’est qu’il n’écoutait pas ces messieurs, parlait pendant des heures, et, tout à coup, regardant sa montre, se levait, les congédiait en hâte :

— Coquin de sort ! Et le Conseil que j’oubliais… Quelle existence, pas une minute à soi… Entendu, cher ami… Envoyez-moi vite votre rapport.

Les rapports s’empilaient sur le bureau de Méjean, qui, malgré son intelligence et sa bonne volonté, n’avait pas trop de tout son temps pour la besogne courante, et laissait dormir les grandes réformes.

Comme tous les ministres arrivants, Roumestan avait amené son monde, le brillant personnel de la rue Scribe : le baron de Lappara, le vicomte de Rochemaure, qui donnaient un bouquet aristocratique au nouveau cabinet, absolument ahuris, du reste, et ignorants de toutes les questions. La première fois que Valmajour se présenta rue de Grenelle, il fut reçu par Lappara, qui s’occupait plus