Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/289

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les magasins, sur les comptoirs, en pleine rue, sous la toile tendue des charrettes, à la chaude lumière des étoiles de juillet.

Oh ! les affaires sans l’ennuyeux de la boutique, les affaires traitées en dînant, sur la porte, en bras de chemises, les baraques en file le long du Pré, au bord du Rhône, qui lui-même n’était qu’un mouvant champ de foire, balançant ses bateaux de toutes formes, ses lahuts aux voiles latines, venus d’Arles, de Marseille, de Barcelone, des îles Baléares, chargés de vins, d’anchois, de liège, d’oranges, parés d’oriflammes, de banderoles qui claquaient au vent frais, se reflétaient dans l’eau rapide. Et ces clameurs, cette foule bariolée d’Espagnols, de Sardes, de Grecs en longues tuniques et babouches brodées, d’Arméniens en bonnets fourrés, de Turcs avec leurs vestes galonnées, leurs éventails, leurs larges pantalons de toile grise, se pressant aux restaurants en plein vent, aux étalages de jouets d’enfants, de cannes, ombrelles, orfèvrerie, pastilles du sérail, casquettes. Et ce qu’on appelait « le beau dimanche », c’est-à-dire le premier dimanche de l’installation, les ripailles sur les quais, sur les bateaux, dans les trattorias célèbres, à la Vignasse, au Grand Jardin, au Café Thibaut ; ceux qui ont vu cela une fois en ont gardé la nostalgie jusqu’à la fin de leur existence.

Chez les Mèfre, on se sentait à l’aise, un peu comme en foire de Beaucaire ; et de fait, la boutique ressemblait bien dans son pittoresque désordre à un capharnaüm improvisé et forain de produits