Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/100

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au purgatoire, sans aller plus haut, et que le bon saint Pierre n’a pour toute besogne qu’à passer ses clefs rouillées au papier de verre, et à chasser les toiles d’araignées tendues en travers de sa porte comme des scellés de justice. Par moment, il a l’illusion que quelqu’un frappe. Il se dit :

« Enfin… En voilà un, ce n’est pas trop tôt… ».

Puis, son guichet ouvert, rien que l’immensité, l’éternel silence, les planètes immobiles ou roulant dans l’espace avec un bruit doux d’orange mûre détachée de la branche, mais pas l’ombre d’un élu.

Pensez quelle humiliation pour ce bon saint qui nous aime tant, et comme il se désole de jour et de nuit, comme il en tombe de ces larmes brûlantes, dévorantes, qui ont fini par creuser au long de ses joues deux ornières profondes pareilles à celles qu’on voit sur les routes des carrières entre Tarascon et Montmajour !

Or, une fois que saint Joseph, venu pour lui tenir compagnie, car à la longue il s’ennuyait, le pauvre porte-clefs, toujours seul dans son antichambre, une fois donc que saint Joseph lui disait pour le consoler :