Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/105

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et endormi, deux longues cicatrice en rigole sur ses joues fripées. Puis, au petit jour, l’échafaud debout, le peuple et les autorités en cercle pour le supplice, les deux étrangers avaient disparu, laissant toute la mécanique si étrangement ensorcelée que lorsqu’on eut étendu le condamné sur la planche, le couteau, pourtant bien aiguisé, d’un acier de bonne marque, tomba vingt fois de suite sans parvenir seulement à lui entamer la peau.

Vous voyez le tableau d’ici, les magistrats effarés, l’horripilation de la foule, le bourreau bousculant ses aides, arrachant ses cheveux trempés de sueur, Sanguinarias lui-même – il était de Beaucaire naturellement ce malandrin, et joignait à tous ses mauvais instincts un amour-propre diabolique – Sanguinarias très vexé, tournant et retournant son cou de taureau noir dans la lunette, disant :

« Ah ! ça… mais qu’est-ce que j’ai donc ?… je ne suis donc pas fabriqué comme les autres qu’on ne peut venir à bout de moi !… ».

Et à la fin des fins, les gendarmes obligés de l’emporter de force, de le rentrer dans