Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/114

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maine vint jusqu’à eux, un cri de femme montant à grandes ondes, par épreintes, tantôt immense à déchirer l’horizon, puis s’apaisant en une longue plainte douce, à laquelle ceux qui l’ont entendue une fois ne peuvent plus se tromper. Dans le jour qui commençait, un être arrivait au monde. Jésus, songeur, s’arrêta. S’il en naissait toujours, à quoi servait de les détruire »… Et tourné vers le chaume d’où le cri était venu, il leva sa main blanche en menace.

« Pitié !… Maître, pitié pour les tout petits ! » sanglota le brave saint Pierre.

Le Seigneur le rassura d’un mot.

À cet enfant de lait comme à tous ceux qui naîtraient dorénavant sur la terre, il venait de faire un don de bienvenue. Pierre n’osa pas demander ce que c’était, mais moi je peux vous le dire, mes amis. Jésus leur avait donné l’expérience, à ces pauvres agneaux, et ce fut quelque chose de terrible.

Pensez que, jusqu’alors, quand un homme mourait, l’expérience de cet homme s’en allait avec lui. Mais voilà qu’après le don de Jésus, il y eut sur la terre de l’expérience accumulée. Les enfants naquirent tristes,