Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/116

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plus que l’oubli de tout, on n’aspirait qu’au sommeil… Oh ! Dormir…, ne plus penser, ne plus vivre…

Elle était, comme vous voyez, dans un bien triste état, la pauvre humanité, et n’en avait sans doute plus pour longtemps, car l’infatigable exterminateur hâtait de plus en plus sa besogne. Il parcourait toujours le monde, en errant voyageur, le paquet au bout du bâton, son compagnon derrière lui, bien las, bien courbé, les deux sillons de larmes se creusant davantage le long de ses joues, à mesure que le Maître sur son passage déchaînait les volcans, les cyclones et les tremblements de terre.

Or, un beau matin d’Assomption, comme Jésus marchait sur la mer, glissant à la surface des flots ainsi que nous le montrent les Écritures, il arriva au milieu des îles de l’Océanie, dans ces mêmes parages du Pacifique que nous traversons en ce moment.

D’un bouquet d’îles tout verdoyant venaient jusqu’à lui sur la brise de mer des voix de femmes et d’enfants qui chantaient des cantiques provençaux.

« Té ! s’écria saint Pierre, on dirait des airs de Tarascon. »