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Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/132

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approchant : « Connu, mon bon…, trop sauvage…, trop nature… »

L’autre continuait à danser en faisant tournoyer son arme ; et quand le malheureux Bravida s’aperçut qu’il avait en face de lui un véritable canaque, il était trop tard pour éviter le terrible coup de casse-tête qui défonça son casque en liège, fit sauter sa pauvre petite cervelle et l’étendit raide.

En même temps éclatait une tempête de hurlements, de flèches et de balles. En voyant tomber leur commandant, les miliciens avaient fait feu d’instinct, puis s’étaient enfuis, sans s’apercevoir que les sauvages faisaient de même.

D’en bas Tartarin entendit la fusillade. « Ils ont pris le contact, » dit-il allègrement. Mais sa joie se changea en stupeur lorsqu’il vit sa petite armée revenir en désordre, bondissant à travers bois, les uns sans chapeaux, d’autres sans souliers, jetant tous le même cri terrifiant : « Les sauvages !… les sauvages !… ». Il y eut un moment de panique effroyable. Le canot prit le large et se sauva à toutes rames. Le Gouverneur courait sur le rivage, clamant :