Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/172

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Si je consigne ici l’incident, c’est parce que dans cette circonstance la faiblesse de la colonie m’est apparue.

Administration excellente, zélée, compliquée même, et bien française ; mais, pour coloniser, les forces manquent : plus de paperasses que de bras.

Je suis aussi frappé d’une chose, c’est que chacun de nos gros bonnets se trouve chargé de la besogne à laquelle il était le moins apte et préparé. Voilà l’armurier Costecalde qui a passé sa vie au milieu des pistolets, des Lefaucheux, de tous les engins de chasse, il est directeur des cultures. Excourbaniès n’avait pas son pareil pour fabriquer le saucisson d’Arles, hé bien, depuis l’accident de Bravida, on l’a fait directeur de la guerre et chef des milices. Le Père Bataillet a pris l’artillerie et la marine, parce qu’il a l’humeur belliqueuse, mais en définitive, ce qu’il sait le mieux encore, c’est dire la messe et raconter des histoires.

En ville, la même chose. Nous avons là un tas de braves gens, petits rentiers, marchands de rouennerie, épiciers, pâtissiers, qui possèdent des hectares et ne savent qu’en faire, n’ayant pas la moindre notion de culture.