Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/18

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C’est que nous avions un terrible compte à régler, les Tarasconnais et moi. Je les savais très montés, me gardant rancune noire de mes plaisanteries sur leur ville et sur son grand homme, l’illustre, le délicieux Tartarin. Des lettres, des menaces anonymes m’avaient souvent averti : « Si tu passes jamais par Tarascon, gare ! » D’autres brandissaient sur ma tête la vengeance du héros : « Tremblez ! le vieux lion a encore bec et ongles ! »

Un lion à bec, diable !

Plus grave encore : Je tenais d’un commandant de gendarmerie de la région qu’un commis-voyageur parisien ayant, par une homonymie fâcheuse ou simple fumisterie, signé « Alphonse Daudet » sur le registre de l’hôtel, s’était vu brutalement assailli à la porte d’un café et menacé d’un plongeon dans le Rhône, selon les traditions locales :


Dé brin o dé bran
Cabussaran
Dou fenestroun
De Taracoun
Dedins lou Rose[1]
  1. De gré ou de force – ils feront le saut – du fenestron – de Tarascon – dedans le Rhône.