Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/180

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Les rapports se tendant de plus en plus entre la ville et le Gouvernement, pour essayer de rattraper sa popularité Tartarin décida d’organiser enfin les courses de taureaux, pas avec le Romain, bien entendu, qui tenait toujours le maquis, mais avec les trois vaches qui restaient.

Bien étiques, bien maigres, ces trois malheureuses Camarguaises habituées au plein air, au grand soleil, et recluses dans une humide et sombre écurie depuis leur arrivée à Port-Tarascon ! N’importe ! Cela valait mieux que rien. D’avance, sur un terrain de sable au bord de la mer où s’exerçait la milice d’habitude, une estrade avait été dressée, le cirque établi au moyen de piquets et de cordes tendues.

On profita d’une entre-lueur de beau temps, et l’État de choses, chamarré, entouré de ses dignitaires en grand costume, prit place sur l’estrade, pendant que colons, miliciens, leurs dames, demoiselles et servantes, se tassaient autour des cordes, et que les petits couraient dans le rond en criant « Té !… té !… les bœufs !… »

Oubliés en ce moment les ennuis des longs jours pluvieux, oubliés les griefs contre le