Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/182

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de l’écurie. On eut beau la pousser, la tirer, par la queue, par les cornes, lui piquer le museau d’une pointe de trident, impossible de lui faire passer la porte.

Alors, voyons la troisième. On la disait très méchante, celle-là, très excitée. En effet, elle entra dans le cirque au galop, creusant le sable de ses pieds fourchus, se fouettant les flancs de sa queue, distribuant les coups de tête à droite et à gauche…, Enfin on allait avoir une belle course !… Pas plus ! La bête prend son élan, franchit la corde, écarte la foule de ses cornes baissées, et court tout droit se jeter dans la mer.

De l’eau jusqu’au jarret, puis jusqu’au garrot, elle avançait, avançait toujours. Bientôt on ne vit plus que ses naseaux, le croissant de ses deux cornes au-dessus de la mer. Elle resta là jusqu’au soir, sinistre, silencieuse et toute la colonie, du rivage, l’injuriait, la sifflait, lui jetait des pierres, sifflets et huées dont le pauvre État de choses, descendu de son estrade, avait bien aussi sa part.

Les courses manquées, il fallait un dérivatif à la mauvaise humeur générale ; le meilleur fut la guerre, une expédition contre